Sources:
Les Lettres Portugaises (1669), by Gabriel-Joseph de La Vergne
Above: Sister Mariana Alcoforado.
Above: Noël Bouton, Marquis de Chamilly, painted by François Joseph Heim.
Sister Mariana Alcoforado (born April 22, 1640, died July 28, 1723) was a Portuguese nun living in the convent of the Poor Clares, Convento de Nossa Senhora de Conceição (Convent of Our Lady of the Conception) in Beja, Portugal.
Debate continues as to whether Mariana was the real Portuguese author of the Letters of a Portuguese Nun (Les Lettres Portugaises), comprising five letters. Her purported love affair with the French officer Noël Bouton, Marquis de Chamilly and later Marshal of France, has made Beja famous in literary circles, mainly in Portugal and France.
Some literary scholars consider the letters a fictional work, and their authorship is ascribed to Gabriel-Joseph de Lavergne, comte de Guilleraugues, although a real nun named Mariana Alcoforado is confirmed to have existed.
The letter:
Considere, mon amour, jusqu'à quel excez tu as manqué ne preuoyance. Ah mal-heureux! tu as esté trahy, & tu m'as trahie par des esperances trompeuses. Vne passion sur laquelle tu auois fait tant de projets de plaisirs, ne te cause presentement qu'vn mortel desespoir, qui ne peut estre comparé qu'à la cruauté de l'absence, qui le cause. Quoy? cette absence, à laquelle ma douleur, toute ingenieuse qu'elle est, ne peut donner vn nom assez funeste, me priuera donc pour toûjours de regarder ces yeux, dans lesquels je voyois tãt d'amour, & qui me faisoient connoître des mouemẽs, qui me combloient de joye, qui me tenoient lieu de toutes choses, & qui enfin me suffisoient. Helas! les miens sont priuez de la seule lumiere, qui les animoit, il ne leur reste que des larmes & je ne les ay employez à aucun vsage, qu'à pleurer sans cesse, depuis que j'appris que vous estiez enfin resolu à vn éloignement, qui m'est si insupportable, qu'il me fera mourir un peu de temps. Cependant il me semble que j'ay quelque attachement pour des malheurs, dont vous estes la seule cause: Ie vous ay destiné ma vie aussi-tost que je vous ay veu; & je sens quelque plaisir en vous la sacrifiant. I'enuoye mille fois le jour mes soûpirs vers vous, ils vous cherchent en tous lieux, & ils ne me rapportent pour toute recompense de tant d'inquietudes, qu'vn aduertissement trop sincere, que me dõne ma mauuaise fortune, qui a la cruauté de ne souffrir pas, que je me flatte, & qui me dit à tous momens; Cesse, cesse Mariane infortunée de te consumer vainement: & de chercher vn Amant que tu ne verras iamais; qui a passé les Mers pour te fuir, qui est en France au milieu des plaisirs, qui ne pense pas vn seul moment à tes douleurs, & qui te dispense de tous ces transports, desquels il ne te sçait aucun gré? mais non, je ne puis me resoudre à juger si injurieusement de vous, & je suis ttop interessée à vous justifier: Ie veux point m'imaginer que vous m'auez oubliée. Ne suis-je pas assez malheureuse sans me tourmenter par de faux soupçons? Et pourquoy ferois-je des efforts pour ne me plus souuenir de tous les soins, que vous auez pris de me temoigner de l'amour? I'ay esté si charmée de tous ces soins, que je serois bien ingrate, si je ne vous aymois auec les mesmes emportemens, que ma Passion me donnoit, quand je joüissois des témoignages de la vostre. Comment se peut-il faire que les souuenirs des momens si agreables, soient deuenus si cruels? & faut-il que contre leur nature, ils ne seruent qu'à tyranniser mon cœur? Helas! vostre derniere lettre le reduisit en vn estrange état: il eut des mouuemens si sensibles qu'il fit, ce semble, des efforts, pour se separer de moy, & pour vous aller trouuer: Ie fus si accablée de toutes ces émotions violentes, que je demeuray plus de trois heures abandonnée de tous mes sens: je me défendis de reuenir à vne vie que je dois perdre pour vous: puis que je ne puis la cõseruer pour vous, je reuis enfin, malgré moy la lumiere, je me flatois de sentir que je mourois d'amour; & d'ailleurs j'estois bien-aise de n'estre plus exposée à voir mon cœur déchiré par la douleur de vostre absence. Apres ces accidens, j'ay eu beaucoup de differẽtes indispositions: mais, puis-je jamais estre sans maux, tant que je ne vous verray pas? Ie les supporte cependant sans murmurer, puis qu'ils viennent de vous. Quoy? est-ce là la recompẽse, que vous me donnez, pour vous auoir si tendrement aymé? Mais il n'importe, je suis resoluë à vous adorer toute ma vie, & à ne voir jamais personne; & je vous asseure que vous ferez bien aussi de n'aymer personne. Pourriez vous estre content d'vne Passion moins ardente que la miẽne? Vous trouuerez, peut-estre, plus de beauté (vous m'auez pourtant dit autrefois, que j'estois assez belle) mais vous ne trouuerez jamais tant d'amour, & tout le reste n'est rien. Ne remplissez plus vos lettres de choses inutiles, & ne m'escriuez plus de me souuenir de vous? Ie ne puis vous oublier, & je n'oublie pas aussi, que vous m'auez fait esperer, que vous viẽdriez passer quelque temps auec moy. Helas! pourquoy n'y voulez vous pas passer toute vostre vie? S'il m'estoit possible de sortir de ce malheureux Cloistre, je n'attendrois pas en Portugal l'effet de vos promesses: j'irois, sans garder aucune mesure, vous chercher, vous suiure, & vous aymer par tout le monde: je n'ose me flater que cela puisse estre, je ne veux point nourrir vne esperance, qui me donneroit asseurément quelque plaisir, & je ne veux plus estre sensible qu'aux douleurs. I'auouë cependant que l'occasion, que mon frere m'a donnée de vous escrire, a surpris en moy quelques mouuemens de joye, & qu'elle a suspendu pour vn moment le desespoir, où je suis. Ie vous coniure de me dire, pourquoy vous vous estes attaché à m'enchanter, comme vous auez fait, puisque vous sçauiez bien que vous deuiez m'abandonner? Et pourquoy auez vous esté si acharné à me rendre malheureuse? que ne me laissiez vous en repos dans mon Cloistre? vous auois-ie fait quelque iniure? Mais ie vous demande pardon: ie ne vous impute rien: ie ne suis pas en estat de penser à ma vengeance, & i'accuse seulement la rigueur de mon Destin. Il me semble quen nous separant, il nous a fait tout le mal, que nous pouuiõs craindre; il ne sçauroit separer nos cœurs; l'amour qui est plus puissant que luy, les a vnis pour toute nostre vie. Si vous prenez quelque interest à la mienne, escriuez moy souuent. Ie merite bien que vous preniez quelque soin de m'apprendre l'estat de vostre cœur, & de vostre fortune, sur tout venez, me voir. Adieu, ie ne puis quitter ce papier, il tombera entre vos mains, ie voudrois bien auoir le mesme bon-heur: Helas! insensée que ie suis, ie m'apperçois bien que cela n'est pas possible. Adieu, ie n'en puis plus. Adieu, aymez moy toûjours, & faites moy souffrir encore plus de maux.
With modernised spelling:
Considère, mon amour, jusqu'à quel excès tu as manqué ne prévoyance. Ah! malheureux, tu as été trahi, et tu m'as trahie par des espérances trompeuses. Une passion sur laquelle tu avais fait tant de projets de plaisirs ne te cause présentement qu'un mortel désespoir, qui ne peut être comparé qu'à la cruauté de l'absence qui le cause. Quoi! cette absence, à laquelle ma douleur, toute ingénieuse qu'elle est, ne peut donner un nom assez funeste, me privera donc pour toujours de regarder ces yeux, dans lesquels je voyais tant d'amour, et qui me faisaient connaître des mouvements qui me comblaient de joie, qui me tenaient lieu de toutes choses, et qui enfin me suffisaient. Hélas! les miens sont privés de la seule lumière qui les animait, il ne leur reste que des larmes, et je ne les ai employés à aucun usage qu'à pleurer sans cesse, depuis que j'appris que vous étiez enfin résolu à un éloignement, qui m'est si insupportable qu'il me fera mourir un peu de temps. Cependant il me semble que j'ai quelque attachement pour des malheurs dont vous êtes la seule cause: Je vous ai destiné ma vie aussitôt que je vous ai vu; et je sens quelque plaisir en vous la sacrifiant. J'envoie mille fois le jour mes soupirs vers vous, ils vous cherchent en tous lieux, et ils ne me rapportent pour toute récompense de tant d'inquiétudes qu'un avertissement trop sincère, que me donne ma mauvaise fortune, qui a la cruauté de ne souffrir pas que je me flatte, et qui me dit à tous moments: Cesse, cesse, Mariane infortunée, de te consumer vainement, et de chercher un amant que tu ne verras jamais, qui a passé les mers pour te fuir, qui est en France au milieu des plaisirs, qui ne pense pas un seul moment à tes douleurs, et qui te dispense de tous ces transports, desquels il ne te sait aucun gré? Mais non, je ne puis me résoudre à juger si injurieusement de vous, et je suis ttop intéressée à vous justifier. Je veux point m'imaginer que vous m'avez oubliée. Ne suis-je pas assez malheureuse sans me tourmenter par de faux soupçons? Et pourquoi ferais-je des efforts pour ne me plus souvenir de tous les soins que vous avez pris de me témoigner de l'amour? J'ai été si charmée de tous ces soins, que je serais bien ingrate si je ne vous aimais avec les mêmes emportements que ma passion me donnait quand je jouissais des témoignages de la vôtre. Comment se peut-il faire que les souvenirs des moments si agréables, soient devenus si cruels? et faut-il que contre leur nature ils ne servent qu'à tyranniser mon cœur? Hélas! votre dernière lettre le réduisit en un étrange état: il eut des mouvements si sensibles qu'il fit, ce semble, des efforts pour se séparer de moi et pour vous aller trouver. Je fus si accablée de toutes ces émotions violentes, que je demeurai plus de trois heures abandonnée de tous mes sens. Je me défendis de revenir à une vie que je dois perdre pour vous, puisque je ne puis la conserver pour vous. Je revis enfin, malgré moi, la lumière; je me flattais de sentir que je mourais d'amour; et d'ailleurs j'étais bien aise de n'être plus exposée à voir mon cœur déchiré par la douleur de votre absence. Après ces accidents, j'ai eu beaucoup de différentes indispositions; mais puis-je jamais être sans maux tant que je ne vous verrai pas? Je les supporte cependant sans murmurer, puisqu'ils viennent de vous. Quoi? est-ce là la récompense, que vous me donnez pour vous avoir si tendrement aimé? Mais il n'importe, je suis résolue à vous adorer toute ma vie, et à ne voir jamais personne; et je vous assure que vous ferez bien aussi de n'aimer personne. Pourriez-vous être content d'une passion moins ardente que la mienne? Vous trouverez peut-être plus de beauté (vous m'avez pourtant dit autrefois que j'étais assez belle), mais vous ne trouverez jamais tant d'amour, et tout le reste n'est rien. Ne remplissez plus vos lettres de choses inutiles, et ne m'écrivez plus de me souvenir de vous. Je ne puis vous oublier, et je n'oublie pas aussi, que vous m'avez fait espérer, que vous viendriez passer quelque temps avec moi. Hélas! pourquoi n'y voulez-vous pas passer toute votre vie? S'il m'était possible de sortir de ce malheureux cloître, je n'attendrais pas en Portugal l'effet de vos promesses: j'irais, sans garder aucune mesure, vous chercher, vous suivre, et vous aimer par tout le monde; je n'ose me flatter que cela puisse être, je ne veux point nourrir une espérance qui me donnerait assurément quelque plaisir, et je ne veux plus être sensible qu'aux douleurs. J'avoue cependant que l'occasion que mon frère m'a donnée de vous écrire a surpris en moi quelques mouvements de joie, et qu'elle a suspendu pour un moment le désespoir où je suis. Je vous conjure de me dire pourquoi vous vous êtes attaché à m'enchanter, comme vous avez fait, puisque vous saviez bien que vous deviez m'abandonner? Et pourquoi avez-vous été si acharné à me rendre malheureuse? que ne me laissiez-vous en repos dans mon cloître? Vous avais-je fait quelque injure? Mais je vous demande pardon: je ne vous impute rien; je ne suis pas en état de penser à ma vengeance, et j'accuse seulement la rigueur de mon destin. Il me semble qu'en nous séparant, il nous a fait tout le mal que nous pouvions craindre. Il ne saurait séparer nos cœurs: l'amour qui est plus puissant que lui les a unis pour toute notre vie. Si vous prenez quelque intérêt à la mienne, écrivez-moi souvent. Je mérite bien que vous preniez quelque soin de m'apprendre l'état de votre cœur, et de votre fortune. Surtout venez me voir. Adieu, je ne puis quitter ce papier, il tombera entre vos mains, je voudrais bien avoir le même bonheur. Hélas! insensée que je suis! je m'aperçois bien que cela n'est pas possible. Adieu, je n'en puis plus. Adieu, aimez-moi toujours, et faites-moi souffrir encore plus de maux.
English translation (my own):
Consider, my love, to what excess you have lacked foresight. Ah! unhappy one, you have been betrayed, and you have betrayed me with deceptive hopes. A passion on which you had made so many plans for pleasures now causes you nothing but mortal despair, which can only be compared to the cruelty of the absence which causes it. What! this absence, to which my pain, ingenious as it is, cannot give a sufficiently fatal name, will deprive me forever of looking at those eyes, in which I saw so much love, and which made me know movements which filled me with joy, which took the place of everything for me, and which finally sufficed me. Alas! mine are deprived of the only light which animated them, they only have tears left, and I have used them for no purpose except to cry incessantly, since I learned that you were finally resolved to go away, which is so unbearable to me that it will make me die for a little while. However, it seems to me that I have some attachment for misfortunes of which you are the only cause: I intended my life for you as soon as I saw you; and I feel some pleasure in sacrificing it to you. A thousand times a day I send my sighs to you, they seek you in all places, and they bring me as a reward for so many worries only a too sincere warning, given to me by my bad fortune, which has cruelty not to suffer that I flatter myself, and which says to me at all times: "Cease, cease, unfortunate Mariana, to consume you in vain, and to look for a lover whom you will never see, who has crossed the seas to flee from you, who is in France in the midst of pleasures, who does not think for a single moment of your pains, and who dispenses you from all these transports, for which he is not grateful to you." But no, I cannot bring myself to judge you so insultingly, and I am very interested in justifying you. I do not want to imagine that you have forgotten me. Am I not unhappy enough without tormenting myself with false suspicions? And why should I make an effort not to remember all the care you took to show me love? I was so charmed by all these cares that I would be very ungrateful if I did not love you with the same outbursts that my passion gave me when I enjoyed the testimonies of yours. How is it that the memories of such good times have become so cruel? and must they, against their nature, only serve to tyrannise my heart? Alas! your last letter reduced it to a strange state: it made movements so sensitive that it made, it seems, an effort to separate itself from me and to find you. I was so overwhelmed by all these violent emotions that I remained for more than three hours abandoned of all my senses. I forbade myself to return to a life which I must lose for you, since I cannot keep it for you. I finally saw the light again, in spite of myself; I flattered myself that I felt that I was dying of love; and besides, I was very glad not to be exposed to see my heart torn by the pain of your absence. After these accidents, I had many different ailments; but can I ever be without pain until I see you? However, I endure them without a murmur, since they come from you. What? is that the reward you give me for having loved you so dearly? But it does not matter, I am determined to adore you all my life, and never to see anyone; and I assure you that you will also do well not to love anyone. Could you be happy with a passion less fiery than mine? You might find more beauty (though you once told me I was beautiful enough), but you will never find so much love, and everything else is nothing. Do not fill your letters with unnecessary things, and do not write to me to remember you. I cannot forget you, and I also do not forget that you made me hope that you would come to spend some time with me. Alas! why don't you want to spend your whole life there? If it were possible for me to leave this unfortunate cloister, I would not wait in Portugal for the effect of your promises: I would go, without keeping any measure, to seek you, to follow you, and to love you everywhere; I do not dare to flatter myself that it may be, I do not want to nourish a hope which would certainly give me some pleasure, and I only want to be sensitive to pain. I admit, however, that the opportunity that my brother gave me to write to you surprised some movements of joy in me, and that it suspended for a moment the despair in which I am. I beg you to tell me why you have become attached to enchanting me, as you have done, since you knew very well that you had to abandon me? And why have you been so desperate to make me miserable? why wouldn't you let me rest in my cloister? Did I do you any insult? But I beg your pardon: I am not imputing anything to you; I am in no condition to think of my revenge, and I only accuse the severity of my destiny. It seems to me that by separating us it did us all the harm we could fear. It cannot separate our hearts: the love that is more powerful than it has united them for our whole life. If you take any interest in mine, write to me often. I well deserve that you take some care to inform me of the state of your heart, and of your fortune. Especially come and see me. Farewell, I cannot leave this paper, it will fall into your hands, I would very much like to have the same happiness. Alas! fool that I am! I realise that this is not possible. Farewell, I can't take it anymore. Farewell, love me still, and make me suffer more pain.