Monday, July 26, 2021

Madame de Sévigné's letter to Roger de Rabutin, Comte de Bussy, dated June 6, 1669

Sources:

Lettres, compiled by Hachette Monmerqué, 1862



Above: Madame Marie de Rabutin-Chantal, Marquise de Sévigné, painted by Claude Lefèbvre.


Above: Roger de Rabutin, Comte de Bussy, painted by Claude Lefèbvre.

The letter:

À Paris, ce 9e juin 1669.
Ah! Comte, est-ce vous qui m'avez écrit la lettre que je viens de recevoir? J'étois si fort étonnée en la lisant que j'en paroissois éperdue; je ne pouvois croire ce que je voyois. Est-il possible que la plus folle lettre du monde puisse être prise de cette manière par un homme qui entend aussi bien raillerie que vous, et qui sauroit même donner de bonnes explications à un lettre si elle en avoit besoin? mais je soutiens que la mienne parle toute seule. Vous m'écriviez des folies, et je vous en répondois. Je badinois assez bien, ce me semble, sur les extrémités dont vous êtes capable sur mon sujet; je les exagérois pour mieux badiner; je trouvois que votre cœur étoit si loin de l'indifférence et si fort accoutumé à n'avoir que de la passion, ou de haine, ou de tendresse pour moi, que c'étoit justement à dire qu'il étoit né pour avoir de l'amour. Dit-on ces choses-là sérieusement? Et pour l'expression de sentir le fagot, que vous avez prise dans toute sa force, je vous le pardonne. Vous avez été autrefois dans une cabale où il n'en falloit rien diminuer; mais je pensois que vous sussiez qu'on l'avoit rendue un peu moins terrible, et qu'on s'en servoit moins communément, pour expliquer des choses extraordinaires. Cela sent bien le fagot, c'étoit à dire, cela sent bien son homme qui auroit été amoureux de moi si je l'avois laissé faire, et qui le seroit encore pour peu que je l'en priasse. Et tout cela, bon Dieu, peut-il être autre chose qu'en jeu? Cependant vous me rassurez en me disant qu'il est aisé de me tirer de peine là-dessus. Vous trouvez que je vous dis des injures; vous trouvez qu'un cousin qui aimeroit sa cousine ne méritoit pas d'être brûlé; vous trouvez que je suis entêtée de Grignan; vous tenez votre gravité. Comte, est-ce vous, encore une fois? Gardez ma lettre, je vous prie; relisez-la, démontez votre sérieux, répresentez-vous combien nous aurions ri de tout cela; mais ce n'est plus vous. J'étois vive et gaie en écrivant ma lettre, et je ne doutois point qu'elle ne vous divertît dans votre solitude, puisqu'elle me réjouissoit ici; j'y attendois une réponse encore plus enjouée, s'il se pouvoit, et je vous jure que j'ai cru en lisant votre lettre, que je ne lisois ou que je n'entendois pas bien. Nous avions trouvé quelque chose de plaisant à renverser tout l'ordre gothique des familles, et à vous faire écrire un compliment le premier. Je vous jure qu'il y avoit ici une lettre tout écrite que nous n'avons pas voulu envoyer. Nous n'avons point fait tant de façon pour tous nos parents de Bretagne: ils ont reçu des lettres de noces. On vouloit badiner avec vous, et vous en êtes à cent lieues loin. Est-ce vous, Comte, qui n'avez point aimé ma dernière lettre? est-ce vous qui m'y avez répondu ce que voilà? N'espérez pas que je vous parle d'autre chose que de ma lettre: je garderai la vôtre, et j'espère que quelque jour vous reviendrez dans ce bon sens qui étoit si agréable et si droit. Non-seulement je n'ai pas reconnu mon sang dans votre style, mais je n'y ai pas reconnu le vôtre. Si cela duroit, nous pourrions nous faire saigner tant qu'il nous plairoit, sans crainte de nous affoiblir l'un l'autre.

English translation (my own):

Paris, June 9, 1669.
Ah! Count, did you write me the letter I just received? I was so much astonished on reading it that I seemed distraught; I couldn't believe what I was seeing. Is it possible that the craziest letter in the world could be taken this way by a man who hears jest as well as you do, and who could even give a letter a good explanation if he needed it? but I maintain that mine speaks to itself. You wrote me follies, and I answered you for it. I banter pretty well, it seems to me, about the extremes you are capable of on my subject; I exaggerated them the better to banter; I found that your heart was so far from indifference and so much accustomed to having only passion, or hatred, or tenderness for me, that it was precisely to say that it was born to have love. Do we say these things seriously? And for the expression of feeling the stick bundle, which you have taken in all its strength, I forgive you. You were formerly in a cabal where nothing should be diminished; but I thought you knew that it had been made a little less terrible, and that it was used less commonly, to explain extraordinary things. It feels like a stick bundle, that is to say, it feels like her man who would have been in love with me if I had let him do it, and who would still be if I asked him to. And all this, good God, can it be anything other than at stake? However, you reassure me by telling me that it is easy to get out of trouble on this. You find that I am insulting you; you find that a cousin who loves his cousin does not deserve to be burned; you find that I am stubborn from Grignan; you hold your gravity. Count, is it you, again? Keep my letter, please; reread it, disassemble your seriousness, imagine how much we would have laughed at all this; but it is no longer you. I was lively and cheerful as I wrote my letter, and I had no doubt that it would entertain you in your solitude, since it made me happy here; I expected an even more cheerful answer, if possible, and I swear to you that I believed in reading your letter, that I did not read or that I did not hear well. We had found something pleasing in overturning the whole Gothic order of families, and making you the first to write a compliment. I swear to you that there was a written letter here which we did not wish to send. We have not done so much for all our parents in Brittany. They received wedding letters. They wanted to joke with you, and you are a hundred leagues away. Is it you, Count, who did not like my last letter? is it you who answered me what this is? Do not expect me to speak to you of anything other than my letter: I will keep yours, and I hope that someday you will come back in this good sense which was so pleasant and so straightforward. Not only did I not recognise my blood in your style, but I did not recognise yours. If this lasted, we could bleed each other as long as we liked, without fear of weakening each other.

Note: sentir le fagot = (literally: feel the stick bundle) to be suspected of heresy, impiety or heterodoxy.

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