Source:
Lettres de Mademoiselle Aïssé à Madame Calandrini, compiled and edited by Charles Augustin Sainte-Beuve, published by Gerdès, Paris, 1846
Above: Charlotte Aïssé, painted likely by Nicolas de Largillière.
Charlotte Aïssé (Haïdé) (born circa 1694, died March 13, 1733), a French letter-writer, was the daughter of a Circassian chief. She was born somewhere in the northwestern Caucasus region in what is now roughly in the area of the Russian Republic of Karachay-Cherkassia. In or around 1698 her father was killed and his palace was pillaged by the Ottoman Turks, and when she was only four Charlotte was sold as a slave to the Comte Charles de Ferriol, the French ambassador at Constantinople (today's Istanbul). She was raised in Paris by Ferriol's sister-in-law with her sons, D'Argental and Pont-de-Veyle. Charlotte's great beauty and romantic history made her the fashion, and she attracted the attention of the regent, Philippe II, Duke of Orléans, whose offers she had the strength of mind to refuse. She formed a deep and loving attachment to the Chevalier d'Aydie, and they had a daughter together. Charlotte died in Paris at about age 39.
Her letters to her friend Madame Calandrini contain much interesting information with regard to popular celebrities of the time, such as Madame du Deffand and Madame de Tencin, but the letters are above all of interest in the picture they give of Charlotte's own tenderness and fidelity.
The letter:
De Paris, octobre 1726.
Je n'ai pu me résoudre à vous écrire plus tôt: j'ai envisagé avec chagrin que l'on ne vous laisseroit pas lire mes lettres; ainsi j'ai mieux aimé laisser passer les premiers empressemens. Mandez-moi, madame, de vos nouvelles. Êtes-vous remise de la fatigue du voyage? J'ai plus fait de vœux pour que vous eussiez le beau temps qu'un amant n'en auroit fait: il ne seroit assurément pas plus occupé et affligé que moi de votre départ. Le soleil, la pluie, les vents, me paroissoient des embrasemens, des inondations, des ouragans: enfin j'ai respiré quand j'ai vu arriver le jour bienheureux pour vos parens et vos amis où ils vous ont enfin revue. Vous me manderez, s'il vous plaît, quelques détails de votre réception: je partage toutes les amitiés que vous recevez. Hélas! je ne puis passer dans la rue où vous avez demeuré sans avoir le cœur serré et les larmes aux yeux.
Je reviens d'Ablon, où j'ai passé quelques jours tête-à-tête avec madame de Ferriol. J'y ai toujours pensé à vous, et je dis à ma compagne le regret que j'avois que vous n'eussiez pas vu cette guinguette: dans l'instant je vois entrer dans le salon madame votre fille; jugez de ma joie. Elle passa ici pour aller à la Jaquinière: elle venoit de je ne sais où, aux environs. Notre dame prenoit du café: elle vouloit se lever; madame votre fille se précipita pour l'en empêcher. Le chien noir, qui est mal morigéné, saute sur la tasse de café pour japer, la renverse sur sa maîtresse: le désespoir s'empare de ladite dame; fichu sali, robe unie tachée. Vous jugez de l'embarras de madame Rieu qui auroit voulu être à cent lieues de là. Pour moi, je vous l'avoue, j'eus tant d'envie de rire, que madame votre fille se remit. Cependant, passé ces premiers momens, on lui fit sortes de politesses. Elle la trouva très-belle: en effet, elle l'étoit aussi, quoique dans un grand négligé.
Je parle toujours du voyage de Pont-de-Veyle, qui me procurera le bonheur d'aller vous voir. J'espère qu'à force d'en parler je forcerai d'y aller. Je suis occupée de cet projet: les hommes ne peuvent être sans quelques désirs. Je me flattois d'être une petite philosophe, mais je ne le serai jamais sur ce qui touche le sentiment.
Pont-de-Veyle se porte un peu mieux: il vous assure de ses respects. D'Argental est dans l'île enchantée, chez son amie qui a hérité considérablement; il revient à la Saint-Martin.
Legrand donna, l'autre jour, une comédie qui tomba de la plus belle chute que j'aie jamais vue. Il n'en a pas été de même d'un opéra que deux violons ont donné. Le sujet est Pyrame et Thisbé: il y eut une très-jolie décoration; ils reçurent bien des applaudissemens.
Je passe mes jours à chasser aux petits oiseaux: cela me fait grand bien. L'exercice et la dissipation sont de très-bons remèdes pour les vapeurs et les chagrins: je reviens de mes courses avec appétit et sommeil. L'ardeur de la chasse me fait marcher, quoique j'aie les pieds moulus: la transpiration que cet exercice m'occasionne me convient. Je suis hâlée comme un corbeau: je vous ferois peur, si vous me voyiez; je voudrois bien en être à la peine.
Que je serois heureuse si j'étois encore avec vous, madame! Avouez que vous ne seriez point fâchée d'être encore à Paris. Pour moi, je donnerois bien une pinte de mon sang pour que nous fussions ensemble actuellement: je vous rendrois compte de mille choses, je goûterois le plaisir de vous revoir. Au lieu de ce bien, j'ai des regrets: que cela est différent!
Le chevalier est en Périgord, où je crois qu'il s'ennuie: sa santé est toujours délicate, son cœur toujours plus tendre. Je vous enverrois avec plaisir des copies de ses lettres: mais non, il y a des choses qui vous déplairoient, et j'aurois honte que vous les vissiez. L'abbé vit l'autre jour madame Rieu chez moi: ce fut un coup de foudre. Il revint le lendemain à Ablon: il me dit qu'il n'avoit jamais rien vu de si beau, à son gré. Les lys et les roses ne sont pas si fraîches qu'elle étoit ce jour-là: son air de modestie et de douceur plut si fort à ce pauvre abbé, qu'il m'en parle toutes les fois qu'il me avoit. Cependant il avoit été prévenu. On l'avoit annoncée, et je lui dis: «Vous allez voir une des belles femmes de Paris.» Malgré cela, il fut surpris.
Monsieur Berthier vous aime toujours de même, quoiqu'il ait changé son goût pour moi en amitié. On vous aime pour vous, et non pas pour les autres. Vous le savez bien; et, quand vous dites le contraire, vous parlez contre votre pensée. En bonne foi, peut-on vous connoître sans vous aimer? J'en laisse juge votre cœur.
Adieu, madame: aimez-moi, et soyez assurée que personne dans le monde ne vous aime, ne vous estime et ne vous respecte autant qu'AÏSSÉ.
English translation (my own):
From Paris, October 1726.
I could not bring myself to write to you sooner. I contemplated with sorrow that you would not be allowed to read my letters; so I preferred to let the first hurries pass. Tell me, Madame, of your news. Are you recovering from travel fatigue? I made more vows so that you would have the good weather than a lover would have done; he would certainly not be more busy and distressed than I at your departure. The sun, the rain, the winds seemed to me conflagrations, floods, hurricanes. Finally I breathed when I saw the blessed day arrive for your parents and your friends when they finally saw you again. You will tell me, please, some details of your reception; I share all the friendships you receive. Alas! I cannot pass in the street where you lived without a heavy heart and tears in my eyes.
I have just returned from Ablon, where I spent a few days one-on-one with Madame de Ferriol. I have always thought of you, and I say to my companion how sorry I was that you had not seen this tavern. Instantly I see Madame your daughter enter the drawing-room; judge my joy. She passed here to go to La Jaquinière; she came from I don't know where, around. Our lady was having coffee, she wanted to get up; Madame your daughter rushed to stop her. The black dog, who is badly reprimanded, jumps on the cup of coffee to yap, knocks it down on his mistress. Despair seizes the said lady; her fichu was soiled and her plain dress stained. You can imagine Madame Rieu's embarrassment, who would have liked to be a hundred lieues away. As for myself, I confess I wanted to laugh so much that your daughter recovered. However, after these first moments, she was given some kind of courtesy. She found her very beautiful; indeed, she was, although in a great négligée.
I'm still talking about Pont-de-Veyle's trip, which will give me the pleasure of going to see you. I hope that by talking about it I will go. I am in charge of this project, men cannot be without some desires. I flattered myself that I was a little philosopher, but I never will be on anything that touches sentiment.
Pont-de-Veyle is doing a little better; he assures you of his respect. D'Argental is on the enchanted island, with his friend who has inherited considerably; he is coming back to Saint-Martin.
Legrand gave a comedy the other day which fell from the most beautiful fall I have ever seen. It was not the same with an opera that two violins gave. The subject is Pyrame & Thisbé. There was a very pretty decoration; they received a lot of applause.
I spend my days hunting small birds; that does me very good. Exercise and dissipation are very good remedies for vapors and sorrows; I return from my errands with appetite and sleep. The ardour of the hunt makes me walk, although my feet are ground; the perspiration that this exercise causes is fine for me. I am tanned like a raven, I would frighten you if you saw me; I would like to take the trouble of it.
How happy I would be if I were still with you, Madame! Admit that you would not be sorry to be still in Paris. For myself, I would give a pint of my blood so that we are together now; I would give you an account of a thousand things, I would taste the pleasure of seeing you again. Instead of this good, I have regrets. How different it is!
The knight is in Périgord, where I think he is bored; his health is still delicate, his heart ever more tender. I would gladly send you copies of his letters, but no, there are things you don't like, and I would be ashamed if you saw them. The Abbé saw Madame Rieu at my house the other day; it was love at first sight. He returned the next day to Ablon. He told me that he had never seen anyone so beautiful, to his liking. The lilies and the roses are not as fresh as she was that day; her air of modesty and gentleness pleased the poor Abbé so much that he spoke to me about it whenever he saw me. However, he had been warned. It had been announced, and I said to him: "You are going to see one of the beautiful women of Paris." Despite this, he was surprised.
Monsieur Berthier still loves you the same way, although he has changed his taste for me into friendship. We love you for you, and not for others. You know it well; and, when you say the opposite, you are speaking against your thinking. In good faith, can one know you without loving you? I let your heart judge.
Farewell, Madame; love me, and rest assured that no one in the world loves you, esteems you and respects you as much as Aïssé.
Notes: Pont-de-Veyle = Antoine de Ferriol, Comte de Pont-de-Veyle.
The comedy was La Chasse du Cerf (The Deer Hunt), a comedy in three acts with a prologue and intermissions, performed on October 14, 1726.
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