Sunday, February 28, 2021

Madame de Sévigné's letter to Roger de Rabutin, Comte de Bussy, dated August 28, 1668

Sources:

Lettres, compiled by Hachette Monmerqué, 1862



Above: Madame Marie de Rabutin-Chantal, Marquise de Sévigné, painted by Claude Lefèbvre.


Above: Roger de Rabutin, Comte de Bussy, painted by Claude Lefèbvre.

The letter:

À Paris, ce 28e août 1668.
Encore un petit mot, et puis plus: c'est pour commencer une manière de duplique à votre réplique.

Où diantre vouliez-vous que je trouvasse douze ou quinze mille francs? Les avois-je dans ma cassette? Les trouve-t-on dans la bourse de ses amis? Ne m'allez point dire qu'ils étoient dans celle du surintendant: je n'y ai jamais rien voulu chercher ni trouver; et à moins donc que l'abbé de Coulanges ne m'eût cautionnée, je n'aurois pas trouvé un quart d'écu, et lui ne le vouloit pas sans cette sûreté de Bourgogne, ou nécessaire ou inutile: tant y a qu'il la vouloit; et pour moi, je fus au désespoir de n'avoir pu vous faire ce plaisir. Mais enfin voilà ce chien de portrait fait et parfait. La joie d'avoir si bien réussi, et d'être approuvé, vous fit trouver que j'avois tous les torts du monde, et vous les augmentâtes beaucoup par l'envie de vous ôter tous les remords. Mme de Montglas vous oblige donc de le rompre, et puis son mari rejoint tous les morceaux ensemble, et il le ressuscite. Quelle niaiserie me contez-vous là? Est-ce lui qui est cause que vous le placez dans un des principaux endroits de votre histoire? Eh bien, s'il vous l'avoit rendu, vous n'aviez qu'à le remettre dans votre cassette, et ne le point mettre en œuvre comme vous avez fait: il n'auroit pas été entre les mains de Mme de la Baume, ni traduit en toutes les langues. Ne me dites point que c'est la faute d'un autre, cela n'est point vrai, c'est la vôtre purement; c'est sur cela que je vous donnerois un beau soufflet, si j'avois l'honneur d'être auprès de vous, et que vous me vinssiez conter ces lanternes. C'est ma grande douleur: c'est de m'être remise avec vous de bonne foi, pendant que vous m'aviez livrée entre les mains des brigands, c'est-à-dire de Mme de la Baume; et vous savez bien même qu'après notre paix vous eûtes besoin d'argent; je vous donnai une procuration pour en emprunter, et n'en ayant pu trouver, je vous fis prêter sur mon billet deux cents pistoles de M. le Maigre, que vous lui avez bien rendues. Quant à ce que vous dites, que d'abord que j'eus vu mon portrait, je vous revis, et ne parus point en colère, ne vous y trompez pas, Monsieur le Comte, j'étois outrée; j'en passois les nuits entières sans dormir. Il est vrai que, soit que je vous visse accablé d'affaires plus importantes que celles-là, soit que j'espérasse que la chose ne deviendroit pas publique, je n'éclatai point en reproches contre vous. Mais quand je me vis donnée au public, et répandue dans les provinces, je vous avoue que je fus au désespoir, et que ne vous voyant plus pour réveiller mes foiblesses, et mes anciennes tendresses pour vous, je m'abandonnai à une sécheresse de cœur qui ne me permit pas de faire autre chose pendant votre prison que ce que je fis: je trouvois encore que c'étoit beaucoup. Quand vous sortîtes, vous me l'envoyâtes dire avec confiance; cela me toucha: bon sang ne peut mentir; le temps avoit un peu adouci ma première douleur; vous savez le reste. Je ne vous dis point maintenant comment vous êtes avec moi; le monde me jetteroit des pierres, si je faisois de plus grandes démonstrations. Je voudrois qu'à cela près vous fussiez en état par votre présence de me redonner encore la qualité de votre dupe. Mais sans pousser cet endroit plus loin, je vous dirai pour la dernière fois que je ne vous donne pour pénitence, c'est-à-dire pour supplice, que de méditer sur toute l'amitié que j'ai toujours eue pour vous, sur mon innocence à l'égard de cette première offense prétendue, sur toute ma confiance après notre raccommodement, qui me faisoit rire de ceux qui me donnoient de bons avis, et sur les crapauds et les coulevres que vous nourrissiez contre moi pendant ce temps-là, et qui sont écloses heureusement par Mme de la Baume. Basta, je finis ici le procès.

Pour la plaisanterie des corniches, je n'y veux pas entrer. Je crois qu'on me doit être obligé de cette retenue, et encore plus de vouloir bien traiter de diminutif une chose qui pourroit l'être de superlatif.

J'ai reçu ce que vous m'avez envoyé touchant notre maison; je suis entêtée de cette folie. M. de Caumartin est très-curieux de ces recherches. Il y a plaisir en ces occasions de ne rien oublier, elles ne se rencontrent pas tous les jours. M. l'abbé de Coulanges verra M. du Bouchet, et moi j'écrirai aux Rabutins de Champagne, afin de rassembler tous nos papiers. Écrivez-lui aussi qu'il m'envoie l'inventaire de ce qu'il a; mon oncle l'abbé en a aussi quelques-uns. Il y a plaisir d'étaler une bonne chevalerie, quand on y est obligé.

La plus jolie fille de France est plus digne que jamais de votre estime, et de votre amitié; elle vous fait des compliments. Sa destinée est si difficile à comprendre que pour moi je m'y perds.

Je crois que vous ne savez pas que mon fils est allé en Candie avec M. de Roannès et le comte de Saint-Paul. Cette fantaisie lui est entrée fortement dans la tête. Il l'a dit à M. de Turenne, au cardinal de Retz, à M. de la Rouchefoucauld: voyez quels personnages. Tous ces messieurs l'ont tellement approuvé, que la chose a été résolue et répandue avant que j'en susse rien. Enfin il est parti: j'en ai pleuré amèrement, j'en suis sensiblement affligée; je n'aurai pas un moment de repos pendant tout ce voyage. J'en vois tous les périls, j'en suis morte; mais enfin je n'en ai pas été la maîtresse; et dans ces occasions-là les mères n'ont as beaucoup de voix au chapitre. Adieu, Comte, je suis lasse d'écrire, et non pas de lire tous les endroits tendres et obligeants que vous avez semés dans votre lettre: rien n'est perdu avec moi.

English translation (my own):

Paris, August 28, 1668.
One more note, and then more: to begin with, it is a way of duplicating your reply.

Where on earth did you want me to find twelve or fifteen thousand francs? Do I have them in my cassette? Can you find them in your friends' purses? Do not tell me that they were in that of the superintendent, I never wanted to seek or find anything there; and unless therefore the Abbé de Coulanges had guaranteed me, I would not have found a quarter of a crown, and he would not want it without this Burgundy security, either necessary or useless: as long as he wanted it; and for my part, I was in despair at not having been able to give you this pleasure. But finally here is this portrait dog, done and perfect. The joy of having succeeded so well, and of being approved, made you find that I had all the wrongs in the world, and you greatly increased them by the desire to take away all the remorse. Madame de Montglas therefore forces you to break it, and then her husband joins all the pieces together, and he resuscitates him. What silliness are you telling me there? Is it he who is causing you to place him in one of the main places in your story? Well, if he had returned it to you, all you had to do was put it back in your cassette, and not implement it as you did; it would not have been in the hands of Madame de la Baume, nor translated into all languages. Do not tell me that it is someone else's fault, that is not true, it is purely yours; it is on this that I would give you a fine bellow if I had the honour of being near you, and if you came to tell me these lanterns. It is my great sorrow, it is to have returned to you in good faith, while you had delivered me into the hands of brigands, that is to say, of Madame de la Baume; and you know very well that after our peace you needed money; I gave you authority to borrow some, and not being able to find any, I lent you from my bill two hundred pistoles from Monsieur le Maigre, which you have indeed returned to him. As for what you say, that first that I saw my portrait, I saw you again, and did not appear angry, do not be mistaken, Monsieur le Comte, I was outraged; I spent whole nights without sleeping. It is true that, either because I saw you overwhelmed with matters more important than these, or because I hoped that the matter would not become public, I did not burst out in reproach against you. But when I saw myself given to the public, and spread in the provinces, I confess that I was in despair, and that no longer seeing you to awaken my weaknesses, and my old tenderness for you, I abandoned myself to a drought of heart that did not allow me to do anything else during your imprisonment than what I did. I still found that it was a lot. When you went out, you sent it to me with confidence; it touched me: damn it can't lie; time had softened my first pain a little; you know the rest. I am not telling you now how you are with me, the world would throw stones at me if I made greater demonstrations. I would like that except that you were in a state by your presence to give me again the quality of your dupe. But without pushing this place any further, I will tell you for the last time that I only give you for penance, that is to say for torture, to meditate on all the friendship I have always had for you, on my innocence with regard to this first alleged offense, on all my confidence after our mending, which made me laugh at those who gave me good advice, and on the toads and the pigs that you fed against me during this time there, and which were happily hatched by Madame de la Baume. Basta, I am ending the trial here.

For the joke of the cornices, I don't want to go in. I believe that I owe this restraint, and even more so, to treat as diminutive something which could be superlative.

I received what you sent me concerning our house; I am stubborn about this madness. Monsieur de Caumartin is very curious about this research. There is pleasure on these occasions not to forget anything, they do not meet every day. Monsieur the Abbé de Coulanges will see Monsieur du Bouchet, and I will write to the Rabutins of Champagne in order to collect all our papers. Also write to him to send me the inventory of what he has; my uncle the Abbot also has a few. It is a pleasure to display a good chivalry, when you have to.

The prettiest girl in France is more worthy than ever of your esteem and your friendship; she gives you compliments. Her destiny is so difficult to understand that for me I get lost in it.

I don't think you know that my son went to Candia with Monsieur de Roannès and the Comte de Saint-Paul. This fantasy entered her head strongly. He said it to Monsieur de Turenne, to Cardinal de Retz, to Monsieur de la Rouchefoucauld; see what characters. All these gentlemen approved of it so much that it was resolved and spread before I knew anything about it. Finally he left. I wept bitterly, I am noticeably distressed; I will not have a moment's rest during this whole trip. I see all the dangers, I am dead; but in the end I was not its mistress; and on these occasions mothers do not have much voice. Farewell, Count, I am tired of writing, and not of reading all the tender and obliging places you have sown in your letter; nothing is lost with me.

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