Sources:
Lettres, compiled by Hachette Monmerqué, 1862
The Letters of Madame de Sévigné to her Daughter and Friends, edited and translated by Sarah Josepha Hale, 1878
Above: Madame de Sévigné, artist unknown.
Above: Roger de Rabutin, Comte de Bussy, painted by Claude Lefèbvre.
The letter:
À Paris, ce 4e décembre 1668.
N'avez-vous pas reçu ma lettre où je vous donnois la vie, et ne voulois pas vous tuer à terre? J'attendois une réponse sur cette belle action; mais vous n'y avez pas pensé; vous vous êtes contenté de vous relever, et de reprendre votre épée comme je vous l'ordonnois. J'espère que ce ne sera pas pour vous en servir jamais contre moi.
Il faut que je vous apprenne une nouvelle qui sans doute vous donnera de la joie; c'est qu'enfin la plus jolie fille de France épouse, non pas le plus joli garçon, mais un des plus honnêtes hommes du royaume: c'est M. de Grignan, que vous connoissez il y a longtemps. Toutes ses femmes sont mortes pour faire place à votre cousine, et même son père et son fils, par une bonté extraordinaire, de sorte qu'étant plus riche qu'il n'a jamais été, et se trouvant d'ailleurs, et par sa naissance, et par ses établissements, et par ses bonnes qualités, tel que nous le pouvons souhaiter, nous ne le marchandons point, comme on a accoutumé de faire: nous nous en fions bien aux deux familles qui ont passé devant nous. Il paroît fort content de notre alliance, et aussitôt que nous aurons des nouvelles de l'archevêque d'Arles son oncle, son autre oncle l'évêque d'Uzès étant ici, ce sera une affaire qui s'achèvera avant la fin de l'année. Comme je suis une dame assez régulière, je n'ai pas voulu manquer à vous en demander votre avis, et votre approbation. Le public paroit content, c'est beaucoup: car on est si sot que c'est quasi sur cela qu'on se règle.
Mais voici encore un autre article sur quoi je veux que vous me contentiez, s'il vous reste un brin d'amitié pour moi. Je sais que vous avez mis au bas du portrait que vous avez de moi, que j'ai été mariée à un gentilhomme breton, honoré des alliances de Vassé et de Rabutin. Cela n'est pas juste, mon cher cousin. Je suis depuis peu si bien instruite de la maison de Sévigné, que j'aurois sur ma conscience de vous laisser dans cette erreur. Il a fallu montrer notre noblesse en Bretagne, et ceux qui en ont le plus ont pris plaisir de se servir de cette occasion pour étaler leur marchandise. Voici la nôtre:
Quatorze contrats de mariage de père en fils; trois cent cinquante ans de chevalerie; les pères quelquefois considérables dans les guerres de Bretagne, et bien marqués dans l'histoire; quelquefois retirés chez eux comme des Bretons; quelquefois de grands biens, quelquefois de médiocres; mais toujours de bonnes et de grandes alliances. Celles de trois cent cinquante ans, au bout desquels on ne voit que des noms de baptême, sont du Quelnec, Montmorency, Baraton et Châteaugiron. Ces noms sont grands; ces femmes avoient pour maris des Rohan et des Clisson. Depuis ces quatre, ce sont des Guesclin, des Coetquen, des Rosmadec, des Clindon, des Sévigné de leur même maison; des du Bellay, des Rieux, des Bodegal, des Plessis Ireul, et d'autres qui ne me reviennent pas présentement, jusqu'à Vassé et jusqu'à Rabutin. Tout cela est vrai, il faut m'en croire ... Je vous conjure donc, mon cousin, si vous me voulez obliger, de changer votre écriteau, et si vous n'y voulez point mettre de bien, n'y mettez point de rabaissement. J'attends cette marque de votre justice, et du reste d'amitié que vous avez pour moi.
Adieu, mon cher cousin, donnez-moi promptement de vos nouvelles, et que notre amitié soit désormais sans nuages.
English translation (from source 2):
PARIS, December 4, 1668.
Have you not received the letter, sir, in which I gave you life, disdaining to kill you at my feet? I expected an answer to this noble action; but you have thought it unworthy your notice: you have contented yourself with rising from the ground, and taking your sword as I commanded you. I hope you will never again employ it against me.
I must tell you a piece of news that will, I am sure, give you pleasure. It is, that the prettiest girl in France is going to be married, not to the handsomest youth, but to one of the worthiest men in the kingdom — to M. de Grignan, whom you have long known. All his wives died to give place to your cousin; and, through extraordinary kindness, even his father and mother died too; so that knowing him to be richer than ever, and finding him besides, by birth, situation, and good qualities, every thing we could wish, we have not trafficked with him, as is customary, on the occasion, but confided in the two families that have gone before us. He seems very well pleased with the alliance, and, as soon as we have heard from his uncle, the Archbishop of Aries, his other uncle, the Archbishop of Uzès, being on the spot, the business will be finished — probably before the end of the year. As I am a lover of decorum, I could not fail asking your advice and approbation. The public seemed pleased. This is a great deal, for we are such fools as to be almost always governed by its opinion.
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