Wednesday, December 16, 2020

Madame de Sévigné's letter to Roger de Rabutin, Comte de Bussy, dated July 19, 1655

Sources:

Lettres, compiled by Hachette Monmerqué, 1862


The Letters of Madame de Sévigné to her Daughter and Friends, edited and translated by Sarah Josepha Hale, 1878



Above: Madame Marie de Rabutin-Chantal, Marquise de Sévigné, painted by Claude Lefèbvre.


Above: Roger de Rabutin, Comte de Bussy, painted by Claude Lefèbvre.

The letter:

À Paris, ce 19e juillet 1655.
Voici la troisième fois que je vous écris depuis que vous êtes parti; c'est assez pour vous faire voir que je n'ai rien sur le cœur contre vous. Je reçus l'adieu que vous me faisiez de Landrecy, pendant que j'étois à Livry, et je vous fis réponse en même temps. Je vois bien que vous ne l'avez pas reçue, et j'en suis fort fâchée; car, outre qu'elle étoit assez honnêtement tendre, c'est qu'elle étoit assez jolie, au moins à ce qu'il me sembloit; et comme elle vous étoit destinée, je suis en colère qu'un autre en ait eu le plaisir. Depuis cela je vous ai encore écrit par un laquais que vous aviez envoyé ici, lequel étoit chargé de plusieurs lettres pour de belles dames. Je ne m'amusai pas à vous chicaner sur ce qu'il n'y en avoit point pour moi aussi, et je vous fis une petite lettre en galopant, qui vous faisoit connoître, quoique assez mal arrangée, la sensible joie que j'ai eue du bonheur que vous eûtes à vos gardes de Landrecy, dont la nouvelle nous est venue ici le plus agréablement du monde, par des gens de la cour qui nous ont dit que M. le Cardinal avoit dit beaucoup de bien de vous devant le Roi, qui en avoit dit lui-même, et ensuite toute la cour, qui avoit fort loué cette dernière action. Vous pouvez croire que ma joie n'a pas été médiocre d'entendre dire tout haut cela de vous. Mais pour en revenir à mon conte, ce fut sur cela que je vous écrivis ma seconde lettre, et cinq ou six jours après j'ai reçu celle où je vois que vous vous plaignez de moi. Cependant, mon pauvre cousin, vous voyez bien que n'en avez aucun sujet, et là-dessus on peut tirer une belle moralité: c'est qu'il ne faut jamais condamner personne sans l'entendre. Voilà ce que j'avois à vous dire pour ma justification. Quelque autre peut-être auroit pu réduire les mêmes choses en moins de paroles; mais il faut que vous supportiez mes défauts: chacun a son style; le mien, comme vous voyez, n'est pas laconique. Je ne crois pas avoir jamais rien lu de plus agréable que la relation que vous me faites de votre adieu à votre maîtresse. Ce que vous dites que l'amour est un vrai recommenceur est tellement joli, et tellement vrai, que je suis étonnée que l'ayant pensé mille fois, je n'aie jamais eu l'esprit de le dire. Je me suis même quelquefois aperçue que l'amitié se vouloit mêler en cela de contrefaire l'amour, et qu'en sa manière elle étoit aussi une vraie recommenseuse. Cependant, quoiqu'il n'y ait rien de plus galant que ce que vous me dites sur votre affaire, je ne me sens point tentée de vous faire une pareille confidence sur ce qui se passe entre le surintendant et moi, et je serois au désespoir de vous pouvoir mander quelque chose d'approchant. J'ai toujours avec lui les mêmes précautions, et les mêmes craintes, de sorte que cela retarde notablement les progrès qu'il voudroit faire. Je crois qu'il se lassera enfin de recommencer toujours inutilement la même chose. Je ne l'ai vu que deux fois depuis six semaines, à cause d'un voyage que j'ai fait. Voilà ce que je vous en puis dire, et ce qui en est. Usez aussi bien de mon secret que j'userai du votre: vous avez autant d'intérêt que moi à le cacher.

Je ne vous dis rien de l'aventure de Bartet; je crois qu'on vous l'aura mandée, et qu'elle vous aura diverti; pour moi, je l'ai trouvée bien imaginée. Il y a une dame qu'on accuse d'avoir été les premiers jours dans les maisons demander si c'étoit un affront que cela, parce qu'elle avoit ouï dire à l'intéressé que ce n'étoit qu'une bagatelle. On dit que présentement il commence à sentir son mal, et à trouver qu'il eût été mieux qu'il n'eût pas été tondu.

Adieu, mon pauvre cousin: ce n'est point ici une belle lettre, ni une réponse digne de la vôtre; mais on n'est pas toujours en belle humeur. Il y a huit jours que je suis malade, cela fait tort à ma vivacité. Aimez-moi toujours bien; car pour moi, je fais mon devoir sur votre sujet, et je vous souhaite un heureux retour.

English translation (from source 2):

PARIS, July 19, 1655.
This is the third time I have written to you since you left Paris, a sufficient proof that I have nothing upon my mind against you. I received your farewell letter from Landrecy while I was in the country, and answered it immediately. I see plainly that my letter has never reached you, and I am extremely vexed at it; for, besides its being written with becoming affection, it was in my opinion a very pretty composition; and as it was designed for you only, I am wroth that another should have the pleasure of reading it. I have since written to you by the servant you dispatched hither with letters to some of your favorites. I did not amuse myself by quarreling with you for not remembering me at the same time, but wrote you a line or two at full speed, which, however incoherent, would inform you of the pleasure I received from the success of your regiment at Landrecy. This intelligence came to us in the most acceptable manner possible, by some of the court, who assured us that Cardinal Mazarin had spoken very handsomely of you to the king, who afterward joined with the whole court in extolling your conduct. You may conceive that my joy was not inconsiderable at hearing all this; but to return to my story. This was the subject of my second letter, and five or six days after I received one from you, full of complaints against me. You see, however, my poor cousin, with how little justice you complain; and hence I draw this fine moral reflection, that we should never condemn a person unheard. This is my justification. Another, perhaps, would have expressed the same thing in fewer words. You must bear with my imperfections, in consideration of my friendship. Every one has his peculiar style; mine, as you see, is by no means laconic.

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